Jacques Tuset, 56 ans, référent technique de la seconde édition des championnats de France de nage hivernale organisée à Samoëns (Haute-Savoie) du 28 février au 1er mars, se félicite de la nouvelle dimension prise par la discipline tout en insistant sur la nécessité d’encadrer sa pratique en fixant des règles de sécurité.
Avec le docteur Alexandre Fuzeau, surnommé dans le milieu « Ice Doc », vous êtes l’un des pionniers de la nage hivernale en France. A quand remontent vos débuts ?
Ça date de 2016 ! Au début, j’avais essayé en Espagne, où des compétitions de nage hivernales étaient organisées, puis j’ai pris part en 2017 aux championnats du monde d’Ice Swimming à Burghausen (Allemagne, 1 000 mètres dans une eau à 2,8° C, ndlr) avant de penser à organiser des épreuves en France pour faire connaître ce sport.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette discipline extrême ?
J’ai toujours été fasciné par les épreuves de natation au long cours (Jacques Tuset a réalisé des dizaines de raids et de traversées en France et dans le monde entier, à commencer par son challenge des îles-prisons entamé en 1999, ndlr), jusqu’au jour où j’ai entendu parler de la Winter Swimming, une épreuve en eau glacée. Avec des copains d’entraînement, on s’est dit qu’on allait essayer et j’ai trouvé ça génial…
(FFN/Vincent Plassard)
A ce point-là ?
L’eau était à 4° C, l’ambiance plus festive que compétitive, et puis je me suis rendu compte que le mental et le physique étaient aussi importants l’un que l’autre. Dans ce genre de rendez-vous, tous les nageurs se respectent car chacun repousse ses limites et relève un défi hors du commun.
Parce qu’il s’agit bel et bien d’un effort « hors du commun ».
C’est de la natation extrême ! Demandez à quelqu’un de nager en maillot de bain dans une eau à 5° C. Pas sûr qu’il accepte, même pour relever un pari entre copains (sourire)… En s’immergeant dans une eau aussi froide, le corps humain est mis à rude épreuve. Le rythme cardiaque monte en flèche et si on manque d’expérience, on peut vite paniquer et se retrouver en difficulté.
(FFN/Vincent Plassard)
En tout cas, que de chemin parcouru depuis vos premières expériences en eau glacée. Que vous inspire, aujourd’hui, l’organisation de cette seconde édition des championnats de France à Samoëns ?
L’engouement est énorme ! Qui aurait pu imaginer ça il y a encore quatre ou cinq ans ? Au début, nous n’étions qu’une dizaine de nageurs. L’an passé, en 2019, près de soixante à Vichy pour la première édition des championnats de France et près de 136 cette année à Samoëns.
A quoi tient cet engouement ?
Le goût du grand public pour les sports « Outdoor » entre en ligne de compte, mais je crois surtout que c’est la notion de dépassement de soi qui motive autant de nageurs à s’immerger dans une eau inférieure à 5° C. Les gens aiment de plus en plus se lancer des défis. La nage hivernale répond à cette attente, je dirais même à ce besoin (sourire)…
(FFN/Vincent Plassard)
A condition toutefois de respecter des règles élémentaires de sécurité.
Il s’agit clairement d’une discipline extrême. A ce titre, il y a des règles de base à respecter. La première d’entre elle, c’est de ne pas s’entraîner seul, mais c’est le cas pour tous les sports en milieu naturel. A Samoëns, cette année, le soutien médical est très important. Nous avons mis l’accent sur ce point pour éviter le moindre incident. Il y a un médecin au bord du bassin avec des plongeurs qui se tiennent prêts à intervenir et un second médecin dans la zone de réchauffement pour veiller à ce que les athlètes qui sont sortis de l’eau récupèrent normalement.
C’est impératif si l’on veut que la discipline continue de grandir…
Il faut que les nageurs qui viennent relever un défi en eau froide puissent s’exprimer en sécurité et qu’ils repartent en se disant qu’il se sont régalés et qu’ils reviendront l’année prochaine après en avoir parlé autour d’eux. Quand on voit ce qui a été mis en place ce week-end pour les championnats de France de Samoëns, on se dit qu’on peut sérieusement envisager l’organisation d’un championnat du monde.
Jean-Paul Narce, Denis Cadon, Catherine Plewinski, Jacques Tuset et Alexandre Fuzeau (FFN/Vincent Plassard).
Est-ce un objectif déclaré ?
La décision ne m’appartient pas, il faudra voir avec la fédération (sourire)… Mais ce qu’il y a de certain, à l’heure actuelle, c’est que tout a été scrupuleusement organisé par Catherine Plewinski et son équipe. Le professionnalisme déployé est à la hauteur de ce second rendez-vous national.
Vous parliez de défi, de challenge, d’expérience aussi, mais certains nageurs comme Marion Joffle ou Julien Zinsmeister sont en train d’en faire leur spécialité.
Aujourd’hui, en France, ce sont des nageurs qui ont trouvé dans la nage hivernale un terrain d’expression privilégié qui correspond à leurs qualités naturelles. Ils s’entraînent toute l’année pour être performant dans cette discipline. Marion, cela fait déjà quelques années, mais Julien n’a découvert la discipline que l’année dernière, à Vichy. Jusqu’alors la France comptait des nageurs de bassin, d’autres d’eau libre, maintenant il y aura des nageurs d’eau froide.
Recueilli à Samoëns par Adrien Cadot