Préparateur physique au Cercle des Nageurs de Marseille pendant plus de dix ans, Patrick Lhopitalier a décidé de partager son savoir-faire et son expérience. Son livre « Natation. Préparation athlétique pour tous » a déjà séduit de nombreux lecteurs. Du pratiquant du dimanche au plus assidu. Du débutant au champion.
Patrick, pouvez-vous vous présenter ?
J’aurai 49 ans au mois de juin. Sportivement, je viens du monde du rugby. Après avoir été joueur, j’entraîne une équipe de Fédérale 3 depuis quatre ans. Je pratique également le judo en compétition depuis quinze ans. Je participe à des raids multisports, bref je suis un touche à tout ! Professionnellement, j’ai obtenu un DU de préparateur physique en 2006 à l’UFR Staps de Lyon. Durant cette année de formation continue, j’ai commencé au Cercle des Nageurs de Marseille en septembre 2005. D’abord avec l’équipe Elite de water-polo, puis en octobre, quand Romain (Barnier) est rentré des Etats-Unis, où la préparation physique tient une place très importante, il a souhaité également travailler avec moi. Jusqu’en décembre 2016, j’ai eu en charge la préparation physique des deux sections sportives, des poloïstes comme des nageurs, des champions olympiques Florent Manaudou et Fabien Gilot comme des plus jeunes. Je collabore également avec la FFN comme préparateur physique des équipes de France A en natation course depuis 2010. Dans le cadre du Parcours d’Excellence chez les jeunes, j’interviens sur la formation des entraîneurs et sur l’élaboration de fiches pédagogiques à destination des éducateurs et des entraîneurs pour les accompagner dans la préparation de séances de travail à sec. Ce dernier projet est réalisé sous la coordination de Christophe Cozzolino avec Cécile Duchateau, Nicolas Mariettan et Cyril Vieu.
La préparation physique (ou athlétique) s’adresse-t-elle à tous les nageurs ?
Ce serait une erreur de considérer que tel ou tel n’est pas concerné. La préparation athlétique répond, en effet, à trois problématiques importantes pour tous les nageurs : la prévention des blessures, la recherche de la mobilité (Souplesse) et de la stabilité (Gainage). On développe la seconde grâce notamment aux étirements, la première et la troisième par le renforcement musculaire. La volonté du livre est d’ailleurs de proposer dans ces trois domaines des exercices adaptés à tous, selon son niveau et sa pratique. Que l’on soit un nageur maître, un nageur du dimanche, un athlète olympique ou un jeune nageur…
Si le renforcement musculaire est « entré dans les mœurs » des nageurs, beaucoup par contre - et même des « champions » - négligent le travail à sec, avant et après l’entraînement. Pourquoi ?
Trop souvent, les nageurs considèrent que l’entraînement commence quand ils plongent et s’arrête quand ils sortent de l’eau. Pour justifier l’absence d’échauffement à sec ou d’étirements, on préfère parler de manque de temps ! Chez les jeunes nageurs, c’est différent. Ils n’en font pas (ou peu) parce qu’on ne leur pas appris ou bien parce qu’ils n’y pensent pas. Pour ma part, je considère que l’éducation posturale doit être développée très tôt par un apprentissage progressif et régulier.
Les étirements sont en particulier délaissés…
En effet. Les nageurs sont souvent « aidés » dans cette idée par les entraîneurs qui souvent quittent le bassin dès que la séance est terminée et les laissent s’étirer seuls ou pas. Les étirements sous la douche relèvent du mythe.
Et pourtant… Pourquoi faut-il faire des étirements ?
Pour faire simple, je dirais qu’un muscle relâché est un muscle qui récupère plus rapidement. Les étirements accélèrent le processus de récupération et de régénération. Ils participent également à l’optimisation « technique » de la performance. Le développement de la souplesse fonctionnelle et les gains articulaires qu’elle entraine permettent, en effet, de réaliser des gestes techniques avec la plus grande amplitude possible (et donc efficacité). Comme cela est souvent recherché en natation ! Le manque de souplesse musculo-articulaire peut aussi exposer le nageur à des risques de blessures plus importants. En particulier au niveau des épaules, du dos, de la chaîne postérieure des membres inférieurs et nuire à son intégrité physique.
Certains spécialistes disent cependant que les étirements cassent les fibres musculaires…
D’abord, on ne fait pas n’importe quoi en termes d’étirements et il est bien évidemment préférable de suivre les conseils d’un préparateur physique. Il y a aussi des moments où il faut faire des étirements et d’autres où il ne faut pas en faire. On n’en fait pas, par exemple, après un match de water-polo quand le corps est plein de microtraumatismes liés aux chocs. On n’en fait pas non plus après une séance lactique.
Parmi les champions avec lesquels vous avez travaillé, quel est le plus « addict » aux étirements ?
Fabien Gilot. Pourtant quand il est arrivé au Cercle des Nageurs de Marseille, il ne prenait pas suffisamment le temps de s’étirer car il n’avait pas encore pris pleinement conscience de leurs bienfaits. Parallèlement, on s’est rendu compte qu’il avait de grosses raideurs sur le dos qui le limitaient en particulier dans les séries de squat, par exemple (facteur limitant sur les flexions de buste et de hanche). Et, par conséquent, dans tout le travail de force et d’explosivité, particulièrement nécessaires aux sprinters. Des séances d’étirements, après chaque entraînement dans l’eau, lui ont permis, en lui faisant gagner en souplesse, de progresser dans ce domaine et de réaliser des gains notables dans tout ce qui était poussée, propulsion, battements… Avec l’âge, Fabien s’est également rendu compte que plus on vieillissait, moins on était souple et que les étirements étaient donc une bonne façon d’entretenir son corps pour la performance, plus longtemps.
Recueilli par Jean-Pierre Chafes
NATATION. PREPARATION ATHLETIQUE POUR TOUS
Patrick Lhopitalier. Editions Amphora. 400 pages, 34,95 €
Particulièrement exigeante, la pratique de la natation s’accompagne d’une préparation physique spécifique. Dans ce manuel très complet et unique en son genre, Patrick Lhopitalier nous fait bénéficier de son expérience de préparateur physique au sein de l’Équipe de France et du Cercle des Nageurs de Marseille, où il a entraîné quotidiennement les meilleurs nageurs français.