Du vendredi 15 au dimanche 17 février, la ville de Cayenne accueillera trois jours durant le meeting de Guyane Festi'Nat qualificatif pour les Carifta Games qui se tiendront à la Barbade du 20 au 23 avril. L'occasion pour la rédaction de Natation Magazine de consacrer un numéro spécial à la natation guyanaise (téléchargeable gratuitement ici) et de rencontrer les huit nageurs emblématiques de la Ligue sud-américaine (Mehdy Metella, Yonel Govindin, Aimable Steven, Jean-Marc Délices, Analia Pigree, Brennon Kyllian, Carl-Gustave Delor et Dorian Pedro-Leal) ainsi que la première sportive médaillée aux Jeux Olympiques de la Guyane : la nageuse et ancienne capitaine de l'équipe de France Malia Metella.
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Première athlète guyanaise, tout sport et tout sexe confondus, à avoir été médaillée aux Jeux Olympiques, Malia Metella a longtemps été la seule porte-drapeau d’une natation locale qui a tardé à s’engouffrer dans la voie ouverte par la sprinteuse.
La Guyane n’était pas connue pour être une terre de natation. Pourquoi as-tu fait le choix de pratiquer cette discipline ?
Au départ, pour faire comme ma grande sœur Ismahane. Mais c’est ma mère qui m’a appris à nager, sur son dos, dans la piscine de ma marraine vers l’âge de 4 ans. A six ans, j’ai rejoint « Isma » au club des Pacoussines et j’ai débuté la compétition. C’était pratique pour maman. La piscine de Rémire-Montjoly, où on s’entraînait, n’était qu’à deux minutes de chez nous.
Quelles étaient tes conditions d’entraînement ?
Suite à mes premiers bons résultats au Meeting International Antilles-Guyane, puis aux Carifta Games, mon club des Pacoussines a décidé de mettre des choses en place pour m’accompagner dans ma progression. En particulier en créant une filière sport-études qui m’a permis de passer à un entraînement biquotidien à 12 ans. Mais ça restait quand même « roots ».
C’est-à-dire ?
Je devais me lever à 4h-4h30 pour être dans l’eau à 5 heures. Je finissais à 7 heures et mes cours commençaient à 7h30. Je finissais à 16 heures pour être au deuxième entraînement à 16h30, jusqu’à 19 heures. Devoirs, repas, préparer les sacs pour le lendemain… Je me couchais vers 21 heures ! Ma mère ne pouvait pas m’amener, c’est donc mon entraîneur qui venait me chercher. Le matin, on n’allumait qu’un projecteur de la piscine pour ne pas déranger les voisins avec la lumière. On était cinq au départ à bénéficier de ces « aménagements », mais je me suis très vite retrouvée seule.
Athènes. 21 août 2004. En s’adjugeant l’argent du 50 m nage libre, Malia Metella est devenue la première athlète guyanaise à se hisser sur un podium olympique (Abaca/Nicolas Gouhier).
Ce rythme effréné t’a-t-il poussé à quitter la Guyane pour poursuivre ta carrière en métropole ?
Mon club est parvenu à m’offrir de bonnes conditions de travail jusqu’à mes 18 ans. Quand Patrick Césaire, mon premier entraîneur, a décidé d’arrêter, le président des Pacoussines, Michel Néron, a fait venir Alain Iacono de métropole exprès pour moi. L’objectif était de décrocher un podium aux championnats de France. Aux séances dans l’eau, nous avons rapidement ajouté de la musculation avec du matériel conçu sur place, façon système D, et du footing le mercredi après-midi (elle fait la grimace)…
De mauvais souvenirs ?
Courir, je n’aimais vraiment pas ça… Mais bon, ça faisait partie de l’entraînement ! Nous avons fait aussi des stages pendant les vacances scolaires. Sur place, à la piscine de Rémire-Montjoly, mais on mangeait et on dormait dans un petit centre à proximité. Il y avait même des parents qui venaient nous aider pour les devoirs. C’était une vraie famille. La question de mon départ pour la métropole s’est posée finalement après les championnats de France de Rennes, en 2000, où j’ai fait mes premiers podiums seniors : 2ème du 50 m nage libre et 3ème sur 100 m papillon. Alain Iacono étant parallèlement en partance pour le Canada, mon président m’a dit clairement qu’il fallait que j’aille en métropole pour poursuivre ma progression. Même si l’expérience d’Ismahane, qui était allée nager une saison avec Jacky Pellerin à Canet, n’avait pas été très concluante, j’ai décidé de tenter l’aventure.
Tu débarques donc à l’INSEP en septembre 2000. Comment s’est déroulée ton acclimatation ?
En fait, j’ai profité des vacances pour aller voir à quoi ça ressemblait avec ma mère. Nous avons visité les installations, la piscine, les hébergements… Nous avons rencontré Daniel Levavasseur, l’entraîneur de Laura Flessel, qui était à l’époque également chargé du suivi socio-professionnel des sportifs de haut niveau à l’INSEP. Ce jour-là, il m’a proposé de reprendre mes études et de faire un BEP vente. Ça a fini de me convaincre ! Quand je suis revenue pour m’installer, ma mère était aussi du voyage. Elle est restée avec moi pendant un mois. Elle s’est occupée de toute mon installation. Elle m’achetait même la lessive (rires)… Moi, j’étais très contente. Je me levais à 7 heures pour être en cours à 8 heures. Je m’entraînais à 11 heures. C’était l’embellie (sourire)…
Vice-championne olympique en 2008, Malia Metella a pris sa retraite en novembre 2009. Diplômée en journalisme et, dans un premier temps, consultante pour la télévision, elle travaille au sein d’un grand groupe d’assurances (KMSP/Stéphane Kempinaire).
A quelle fréquence rentrais-tu en Guyane ?
La plupart du temps, c’était pour les fêtes de fin d’année et l’été, après les compétitions internationales. J’avais besoin de retrouver ma famille, de renouer avec mes racines, de retrouver ma terre. L’odeur de la Guyane me manquait !
Ta médaille d’argent sur 50 m nage libre aux Jeux Olympiques d’Athènes a fait de toi l’ambassadrice de la natation guyanaise et l’icône du sport local en général. Comment s’est traduit ce nouveau statut ?
Pendant la finale du 50 m nage libre, on m’a raconté que la vie s’était arrêtée à Rémire-Montjoly. Tout le monde était devant son poste de télévision. Le départ du Tour de Guyane cycliste a même été retardé pour que les gens puissent regarder la course. Quand je suis rentrée au pays après les Jeux, un grand « vidé » (un carnaval) s’est organisé spontanément sur l’avenue du Général-de-Gaulle, les Champs Elysées de Cayenne ! Il y avait des tas de personnes derrière la voiture dans laquelle j’étais avec Fabien Horth (ancien nageur spécialiste de quatre nages d’origine guyanaise sélectionné également pour les JO d’Athènes, ndlr). Il y avait aussi un char avec les « Blues Stars », un groupe guyanais très populaire dont le leader, Victor Clet, avait composé une chanson sur ma course. Tout le monde chantait, dansait. C’était énorme (sourire)…
En dehors de cette popularité, est-ce que ta réussite sportive a boosté la pratique de la natation en Guyane ?
Pas vraiment, malheureusement, et cela ni en termes de pratiquants, ni en termes de construction de piscines. La plupart des Guyanais nagent avec passion, mais sans ambition. Beaucoup de jeunes arrêtent pendant le lycée ou lorsqu’ils partent faire leurs études en métropole. En ce qui me concerne, j’ai essayé de dynamiser la natation en Guyane en organisant un stage en 2012, mais il n’y a pas eu de suite. C’est dommage. Aujourd’hui, je regrette de ne pas avoir pu faire davantage pour que les jeunes Guyanais se lancent dans la natation.
Recueilli par Jean-Pierre Chafes
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