Directrice de la natation synchronisée à la Fédération Française de Natation, Sylvie Neuville dresse un bilan satisfait de la performance des duos olympique et mixte aux championnats d’Europe de Londres. Deux quatrièmes places un peu frustrantes, mais de belles promesses d’avenir et surtout la confirmation que la synchro tricolore n’en finit plus de progresser.
Sylvie, quel bilan tirez-vous de la performance du duo olympique aux championnats d’Europe de Londres ?
Je suis très satisfaite des transformations réalisées sur la chorégraphie. A l’issue de la médaille de bronze décrochée au tournoi de qualification olympique (Rio, mars 2016, ndlr), on sentait qu’il y avait encore des choses à modifier. Julie Fabre (l’entraîneur du duo olympique, ndlr) a réalisé un travail considérable. A tel point qu’en seulement dix jours toutes les modifications nécessaires ont été apportées à la chorégraphie du duo.
A ce sujet, on a l’impression que le duo tricolore est l’un de ceux qui s’autorisent le plus d’originalité. Est-ce le cas ?
Oui, Laura et Margaux sortent des sentiers battus alors que sur ces championnats il y avait une coloration très « Europe de l’Est ». Les Françaises jouent davantage sur les énergies et c’est vraiment ce qui permet de proposer autre chose.
Outre la chorégraphie, sur quels aspects le duo s’est-il concentré depuis le TQO ?
Les portés ont considérablement progressé ! A présent, Laura porte Margaux avec les jambes alors qu’avant elle le faisait avec les bras. Le résultat est sans appel : Margaux sort complètement de l’eau, ce qui constitue une indubitable différence. Enfin, j’ajouterais que la synchronisation est de plus en plus fine et que les filles continuent de progresser sur le plan mental.
Dans ce domaine, on imagine que la médaille de bronze décrochée au TQO a dû les mettre en confiance.
La médaille du TQO a été extrêmement galvanisante pour les filles, les coaches et l’ensemble de l’équipe parce que cela démontre que notre stratégie est payante. Et puis, c’est une récompense incroyable pour tout le travail réalisé au cours de cette olympiade.
Toutefois, Margaux et Laura ont confié en début de compétition qu’elles n’étaient pas si sereines que cela, arguant du fait qu’à chaque championnat tout est remis en cause. A titre personnel comment les avez-vous senties durant cette épreuve londonienne ?
Je les ai trouvé sereines, concentrées, motivées et décidées à faire étalage de leurs qualités. D’autant que le niveau européen est l’un des plus relevés de la scène internationale.
Au final, les Françaises se classent quatrièmes du duo libre.
Et c’est une belle performance, d’autant qu’en finale, Laura et Margaux sont passées juste après les Autrichiennes. Les Françaises sont restées concentrées sur leur prestation, elles ont tout donné et le résultat est au rendez-vous (quatrième place avec 86,200 points devant les Autrichiennes, ndlr).
N’est-ce pas malgré tout un peu frustrant ?
Bien sûr, on rêve toujours de monter sur la boîte, mais il faut être réaliste : la compétition était très relevée, comme à chaque fois sur des championnats continentaux. A Londres, les filles ont démontré qu’elles étaient en pleine progression et que tout était désormais en place pour aborder les Jeux Olympiques de Rio dans les meilleures conditions. D’ailleurs, elles seront début juillet à l’Open d’Espagne, ce qui permettra de fixer les derniers réglages avec toutes les nageuses et pas seulement les duettistes.
A vous entendre on a le sentiment que la dimension collective est déterminante.
Je suis convaincue que la force collective est un moteur pour le duo. Il n’y aura que Laura et Margaux aux Jeux de Rio, mais cela n’empêche pas toutes les filles de l’équipe de les soutenir et de travailler à leurs côtés. De toute façon, en synchro, on ne peut fonctionner qu’avec l’autre ! Je tiens aussi à ajouter que nous allons profiter de l’été pour commencer à travailler sur la prochaine olympiade. Ainsi, nous allons ouvrir des ateliers chorégraphiques de recherche pour explorer de nouvelles pistes et élargir le champ des possibles.
Les Jeux de Rio ne constituent donc pas une fin, mais bien le début d’une nouvelle aventure.
Absolument ! Notre objectif, c’est d’emmener le ballet d’équipe à Tokyo en 2020 et d’y viser le podium !
Outre le duo féminin, quel regard portez-vous sur la prestation du duo mixte ?
J’ai d’abord été frappée par l’accueil réservé à Benoît (Beaufils) et Chloé (Kautzmann). J’ai vraiment senti que le public appréciait leur prestation. Malheureusement, le jury n’a pas confirmé cette impression. C’était évidemment une déception car on espérait mieux…
Une médaille ?
Oui, j’espérais décrocher une médaille, mais l’histoire ne s’est pas écrite de cette manière. Donc soit on se positionne en victime, soit on travaille et on rebondit. C’est ce que nous allons faire, sachant également que les règlements du duo mixte vont évoluer pour davantage récompenser l’interaction du couple. Je tiens aussi à souligner l’implication extraordinaire de Benoît et Chloé. Ils travaillent tous les deux dans le spectacle à Las Vegas et ont pris sur leur temps libre pour préparer ce duo (jusqu’à 25 heures par semaine confirme Benoît Beaufils, ndlr).
Ce duo va-t-il être reconduit pour les Mondiaux de Budapest en 2017 ?
Je l’espère, mais il est encore trop tôt pour le dire ! Toutefois, le duo mixte s’inscrit dans l’histoire de notre discipline. Il démontre la capacité d’évolution de notre sport. Tout ce qui compte c’est que cette épreuve gagne encore en notoriété. A ce propos, j’incite tous les petits garçons de France à se mettre à la natation synchronisée. Voilà pourquoi nous allons bientôt développer le concept : « Petit capitaine et petite sirène » !
Recueilli à Londres par A. C.