Confiné dans le sud de la France, Rémi Saudadier, 34 ans depuis le 20 mars et joueur emblématique de l’équipe de France de water-polo, considère que le report des Jeux olympiques était la meilleure décision à prendre. Depuis le début du confinement, le joueur du Spandau Berlin veille à s’entretenir physiquement tout en gardant une oreille sur l’évolution de l’épidémie.
Depuis quand et où es-tu confiné ?
J’ai commencé à cogiter après l’annulation des rencontres de World League et du TQO, mi-mars. Dans la foulée, j’ai appris que le championnat de water-polo d’Allemagne était suspendu. Le club de Berlin m’a donné dix jours de repos. Je suis parti le dimanche pour le sud de la France en me doutant que la situation n’allait pas s’améliorer. Dès le lendemain (lundi 16 mars), le président de la République a annoncé le confinement du pays. Depuis dix jours, je suis dans le village de mes grands-parents, à côté de Pézenas (Hérault). Je m’occupe d’eux, ce qui rassure le reste de ma famille, et j’en profite pour retaper la petite maison dans laquelle j’ai trouvé refuge. Franchement, les conditions pourraient bien pires. Là, je suis en pleine campagne, au milieu des vignes et des oliviers, dans un village isolé qui compte un peu plus d’une centaine d’habitants.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Trouves-tu le temps de te maintenir en forme ?
Dès les premiers jours du confinement, le staff de l’équipe de France m’a adressé un protocole de base pour que je garde un minimum de condition physique, mais le problème, c’est que je ne fais aucun exercice en piscine. En termes de sensations, je sais que je vais perdre, mais physiquement, je me maintiens. Quand j’ai vraiment envie de me défouler, je pars courir dans les collines. Il n’y a jamais personne. Je me sens un peu seul au monde. En ville, c’est plus compliqué de faire son jogging, mais en pleine campagne, ça ne pose aucun problème. En tout cas, c’est une autre façon de travailler et de s’entraîner qui me fait du bien.
Pourquoi ?
Tout simplement parce que ça me sort de mes habitudes, de ma zone de confort et de tout ce que je répète un peu par automatisme. Je trouve ça motivant pour l’instant, mais comme je l’ai dit, je sais qu’à un moment le bassin me manquera. Pour le moment, je ne suis pas inquiet car les Jeux ont été reportés. Je me dis que je suis en train de prendre mes vacances d’été et qu’aux mois de juillet et août je me remettrais dans une grosse préparation physique pour retrouver la plénitude de mes moyens. J’essaie de positiver un maximum, sinon je sens que ça va être dur à vivre.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Le fait de rendre visite à tes grands-parents ne t’inquiète pas ?
Si, bien sûr, j’y pense parce que je n’aimerais pas être celui qui les contaminera. Je limite les contacts au maximum. Je passe deux à trois fois par jour en restant toujours 10-15 minutes dans la maison et en veillant à garder une distance de sécurité. Je me lave aussi les mains régulièrement. Ma grand-mère veut que je l’embrasse, mais pour l’instant je tiens bon (sourire)…
Parviens-tu à suivre l’évolution de l’épidémie ?
Je n’ai pas la télé, pas d’ordinateur et internet ne passe quasiment pas dans le village, mais j’écoute la radio tous les jours pour me tenir informé. Pour le moment, je tiens le coup. Je sais que mes proches respectent scrupuleusement le confinement et mes grands-parents sont isolés dans leur village, alors tout devrait bien se passer. Et puis, comme je l’ai dit, j’essaie d’être positif ! Je me dis que ce confinement va bien finir par s’arrêter. Mais je sais que je suis dans un cadre privilégié. J’ai bien conscience que la situation doit être nettement plus pesante en milieu urbain ou pour les gens qui s’occupent de jeunes enfants dans de petits appartements.
En février dernier, on a appris que l’équipe de France de water-polo (treizième des Euro de Budapest en janvier 2020, ndlr) était repêchée pour le TQO. Depuis, le monde entier a été frappé de plein fouet et les JO ont été reportés. Qu’en est-t-il dès lors de la participation des Bleus au TQO ? Votre repêchage sera-t-il toujours d’actualité ? As-tu des informations à ce sujet ?
Ça risque d’être compliqué ! Je me pose des questions, mais franchement, je n’en sais rien ! Il faudra miser sur le forfait de certaines formations. Après, je ne dispose d’aucune information. Je ne sais absolument pas comment les choses vont tourner.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Et que penses-tu du report des Jeux olympiques de Tokyo ?
C’est quelque chose que j’ai suivi attentivement. A mon sens, c’était la meilleure décision à prendre. Aujourd’hui, le COVID-19 touche quasiment tous les pays du monde, alors même si l’épidémie recule d’ici cet été, je ne vois pas l’intérêt de prendre le risque de la relancer en rassemblant des centaines de milliers de personne pendant la quinzaine olympique. J’ai aussi une pensée pour les athlètes qui ont perdu un proche dans cette crise sanitaire. Les Jeux, c’est la fête du sport, un moment de partage et de célébration. Comment voulez-vous qu’on célèbre quoi que ce soit dans cette ambiance. Actuellement, nous avons d’autres préoccupations.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Ne redoutes-tu pas de subir à un moment ou à un autre les conséquences de ce confinement, tant sur le plan physique que psychologique ?
Je prends un maximum de recul par rapport à la crise que nous traversons. Je me dis aussi qu’en respectant le confinement et les gestes barrières, tout devrait bien se passer. Peut-être que je suis inconscient ou que je ne me rends pas complètement compte de la situation, mais j’essaie de ne pas songer au pire. Je me dis, au contraire, que cette période peut nous permettre de nous remettre profondément en question, de réfléchir à une nouvelle manière de consommer, de voyager et de vivre ensemble. J’espère sincèrement qu’il en sortira du positif et que nous tirerons des leçons de cette épreuve.
C’est-à-dire ?
Ce confinement peut permettre à chacun de s’interroger sur son mode de vie, ses angoisses et sa perception du monde et des autres. En tout cas, je compte bien profiter de cette retraite pour me poser des questions. Je ne voudrais surtout pas me montrer égoïste ou autocentré alors que le personnel médical lutte tous les jours et toutes les nuits pour sauver des vies, mais c’est ma façon d’aborder la longue période de confinement qui s’ouvre. Plutôt que de me plaindre ou de me lamenter sur mon sort, je préfère rester positif.
Recueilli par Adrien Cadot