On l’a toujours connu dur au mal, guerrière, limite acharnée, mais depuis le début des championnats de France de Rennes (16-21 avril), Lara Grangeon semble avoir encore repoussé ses limites. En quatre jours, la Calédonienne a ainsi participé à neuf courses, et pas des moindres : 400 m nage libre, 1 500 m nage libre, 200 m papillon et 400 m 4 nages, récoltant au passage deux titres nationaux (1 500 NL et 200 papillon) et deux médailles de bronze (400 NL et 400 4N). Pas mal pour une nageuse qui privilégie désormais l’eau libre à la natation course.
En dépit de l’enchaînement des épreuves tu continues d’afficher un grand sourire. Quel est ton secret ?
Depuis que j’ai rejoint Philippe Lucas à Montpellier, on s’entraîne vraiment très dur. Je crois qu’à force, mon seuil de douleur s'est encore élevé. Cette semaine, je me sens bien. Je suis en forme. Donc tout va bien et je souris (rire)…
Il y a trois semaines, cependant, tu étais à Eilat (Israël) pour disputer et remporter le 10 km d'une étape de coupe d’Europe. Est-ce que ça n’a pas été trop difficile, en dépit de cette capacité naturelle que tu sembles avoir pour repousser la douleur, d’enchaîner tous ces rendez-vous ?
Eilat, c’était vraiment important pour moi ! J’avais vraiment à cœur de me qualifier pour le 10 km des championnats du monde. J’ai déjà eu un pic de forme en Israël, mais je ne pensais pas pouvoir enchaîner aussi bien ici, à Rennes, pour les championnats de France de natation. J’ai réussi à conserver beaucoup d’énergie. Malgré tout, ce n’est pas facile. Je me bats. Je vais puiser au fond de moi pour finir mes courses, un peu comme en eau libre d’ailleurs. Je me suis vraiment mis dans cet état d’esprit propre à la longue distance.
(KMSP/Stéphane Kempinaire).
Peut-on dire qu’une connexion s'est opérée entre les deux disciplines ?
Il y a un lien, forcément, mais je suis focalisée sur l’eau libre. Je me rends compte pendant cette semaine que je pense encore à l’eau libre. En fait, j’y songe tout le temps (sourire)…
Non sans réussite puisque tu nageras le 10 km aux Mondiaux, comme tu le soulignais, et que tu es toujours en course pour décrocher ta qualification pour les Jeux de Tokyo, l’année prochaine ?
Pour le moment, j’ai franchi toutes les étapes que je m’étais fixée ! Maintenant, il me reste encore du travail pour être vraiment compétitive.
Dans quel domaine ?
En termes d’expérience, je dois encore progresser. Il faudrait que je sois lucide tout le temps. C'est loin d'être aisé. Dès fois, en course, je perds un peu mes moyens, je m’emballe quand je vois les filles accélérer.
(KMSP/Stéphane Kempinaire).
Puisque tu privilégies désormais l’eau libre, qu’es-tu venue chercher à Rennes ?
Pas la facilité, c’est sûr (sourire)… Sinon, je n’aurais pas nagé le 400 m 4 nages !
Alors pourquoi l’as-tu nagée ?
C’est une course que j’ai longtemps dominée. Je savais que Fantine (Lesaffre, championne de France) serait plus en forme que moi. Ce n’est pas simple à vivre, c’est un défi, mais je voulais me retrouver dans une situation compliquée et ne pas lâcher. C’est ce que je suis venue chercher à Rennes : de la difficulté !
C’est ça la méthode Philippe Lucas ?
Oui, un truc dans le genre (sourire)… Peu importe le contexte, la douleur ou la fatigue, il faut tout donner, se surpasser et aller au plus profond de soi-même des ressources insoupçonnées.
Recueilli à Rennes par A. C.