Lancée en octobre 2018, la réforme de la licence a connu des débuts compliqués avant de trouver son rythme de croisière. Aujourd’hui, Laurent Ciubini, Directeur général de l’institution depuis septembre 2017, est convaincu que les clubs ont pleinement adhéré à l’ambitieux projet fédéral qui pourrait, à terme, considérablement étoffer ses rangs (500 000 licences annoncées à l’horizon 2020). Mais au-delà des chiffres, il s’agit surtout pour les dirigeants de rétablir un lien fort entre la Fédération et sa base tout en contribuant à la professionnalisation de la natation tricolore. Etat des lieux.
Rappelez-nous la genèse de la réforme de la licence ?
Engagement de campagne du Président de la FFN, Gilles Sezionale, la réflexion a officiellement débuté lors du bureau fédéral de décembre 2017. A cette occasion, il a été décidé d’interroger les clubs au travers d’une étude IFOP (Institut Français d’Opinion Publique) et les ligues par écrit et au cours d’un séminaire. A partir de là, plusieurs lignes directrices ont émergé, à commencer par celle exprimée par nos élus qui réclamaient la création d’une licence à destination des loisirs à 10€. La réforme a finalement été votée à l’Assemblée générale de juin 2018, le plus complexe ayant été ensuite de remettre à jour l’ensemble de nos outils informatiques en vue de l’inauguration de ce projet le 2 octobre 2018.
De quelle manière a été accueillie cette « révolution » institutionnelle qui n’en porte toutefois pas le nom ?
Nous avons énormément communiqué en diffusant notamment plusieurs courriers du président Gilles Sezionale. Reste que le démarrage n’a pas été à la hauteur de nos espérances…
La situation était-elle inquiétante ?
Je n’emploierais pas ce terme (il s’interrompt)… Je dirais que l’automne 2018 a été un peu « difficile », notamment pour les équipes des systèmes d’information que je remercie. Quelque part, c’est tout à fait compréhensible car il faut bien comprendre que nous avons bouleversé toutes les modalités de la licence fédérale. Il a fallu que chacun prenne ses marques et trouve ses repères. Forcément, cela a nécessité un temps d’adaptation. Sans compter que de notre côté, nous nous sommes employés à fiabiliser toutes les transactions financières afin de fluidifier et sécuriser les échanges.
Laurent Ciubini, Directeur général, en compagnie de Jean-Jacques Beurrier, président délégué de la FFN, lors de la première édition de l’EDF Aqua Challenge organisée dans le bassin de la Villette, à Paris, le 3 septembre 2018 (FFN/Philippe Pongenty).
Où en est-on aujourd’hui ?
Les signaux sont encourageants, mais il reste beaucoup de travail. Les clubs qui licenciaient leurs adhérents continuent de le faire tandis que les structures qui ne licenciaient pas systématiquement leurs pratiquants commencent à s’y mettre, à l’instar notamment du CN Marseille et du Nautic Club ALP’38 de Grenoble.
Qu’en est-il des chiffres ?
Aujourd’hui (l’entretien a été réalisé le 14 février 2019, ndlr), nous recensons 290 000 licenciés, un score que nous n’avons jamais atteint à cette période de l’année. Cela représente approximativement 30 000 licences de plus qu’en 2018. C’est évidemment satisfaisant, mais je tiens à rappeler que pour retrouver notre équilibre financier nous devons atteindre d’ici la fin de la saison 420 000 licenciés. Comme vous pouvez le constater, il nous reste encore 130 000 licences à aller chercher d’ici le 15 septembre 2019. C’est possible mais il faut que chacun fasse sa part !
Que se passera-t-il si ce chiffre n’est pas atteint ?
Ce ne sera en tout cas pas un échec. La FFN perdra un peu d’argent, mais il faut bien se rappeler d’où nous sommes partis l’an passé et l’ambition qui était la nôtre. J’ajouterais que quoiqu’il arrive, cette saison sera un record pour notre institution.
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Au-delà de ces considérations numériques, la réforme de la licence ne constitue-t-elle pas une occasion de moderniser la Fédération Française de Natation ?
Cela fait maintenant une année et demie que je suis à la FFN. Autant vous le dire sans détour, je suis conquis par ce que j’ai quotidiennement la chance de vivre. A ce titre, je peux vous assurer que les forces vives de l’institution, à savoir les clubs, ne sont absolument pas réfractaires au changement. Il me semble, par ailleurs, que cette réforme était devenue nécessaire. La Fédération en était arrivée à un point où elle devait revoir en profondeur sa manière de fonctionner.
A ce titre, la FFN s’est récemment dotée d’une application qui connaît un démarrage impressionnant.
Celle-ci a été conçue après appel d’offres en collaboration avec la société Sport Heroes et nous donne, pour l’heure, d’immenses motifs de satisfaction. Nous observons par ce biais à quel point nos licenciés sont réactifs et impliqués. Un mois après son lancement, l’application FFN a déjà été téléchargée à 13 000 reprises. N’est-ce pas l’expression d’un désir de renouveau ? A court terme, la licence sera également disponible via cette application pour continuer de proposer de nouveaux services.
La réforme de la licence et l’application FFN ont-elles également pour but de renforcer le lien entre l’institution et les clubs ?
C’est, en effet, un de nos objectifs prioritaires ! D’ailleurs, ce n’est pas propre à la Fédération Française de Natation. On s’aperçoit aujourd’hui que le dialogue est trop souvent rompu entre ce que certains dénomment « la base » et le pouvoir central. Notre système est hérité d’anciennes conceptions démocratiques. Aujourd’hui, nous sommes en capacité de parler en direct avec nos usagers. Or, rien n’est plus important que ce lien de communication privilégié.
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Peut-on dire que nous vivons actuellement les dernières heures d’une « Fédération-providence », à l’instar d’ailleurs de ce qui se passe sur la scène nationale avec la crise des Gilets jaunes ?
Le schéma traditionnel de centralisation a vécu. Aujourd’hui, priorité est donnée à des relations partenariales. Toutes les strates de la société sont concernées. On ne peut plus fonctionner comme c’était le cas jusqu’alors. Il faut évoluer. Dans cette perspective, la Fédération a conclu des conventions d’objectif avec les Ligues régionales ainsi qu’avec les clubs du Projet de performance fédérale. L’étape suivante consistera à faire comprendre que nos actions profitent à l’ensemble des licenciés et plus seulement à quelques-uns. C’est ce que nous allons nous évertuer à démontrer dans les prochains mois.
L’objectif annoncé de 500 000 licenciés à l’horizon des Jeux Olympiques de Tokyo, puis de 1 000 000 de licenciés pour les JO de Paris en 2024, est-il toujours d’actualité ?
Pour ce qui est de l’échéance 2020, le chiffre de 500 000 licenciés me paraît tout à fait atteignable. Il passe cependant par un certain nombre d’étapes que nous allons franchir les unes après les autres. Si nous atteignons la barre des 420 000 licenciés en septembre prochain, les 500 000 ne seront plus très loin. Ensuite, pour ce qui est du million de licenciés, il est encore un peu tôt pour se prononcer avec exactitude. Je reste cependant convaincu que si le virage numérique est convenablement négocié, nous pourrons atteindre les objectifs annoncés.
Recueilli par A. C