Géraldine Mahieu, capitaine de l'équipe de France féminine de water-polo, dispute sa seconde saison dans le club hongrois de Dunaujvaros. Nous sommes allés à sa rencontre à l’occasion du match au sommet du championnat contre UVSE. Immersion.
Vendredi 15 février, 9h15, veille du match au sommet du championnat contre UVSE, club de Budapest leader du classement. Le groupe d'une quinzaine de filles se retrouve pour l'entraînement au centre aquatique de Dunaujvaros. Un nuage de vapeur s'échappe de la piscine extérieure, protégée par une bâche. Les joueuses, coiffées de leur bonnet blanc, orange et bleu aux couleurs du club, s'astreignent comme chaque matin à une séance de natation qui comprend des fractionnés. Puis s'emparent des ballons et échangent des passes, avant la mise en place des buts et une séance de tirs. Les enceintes crachent « Voyage, voyage » de Desireless, comme un clin d'oeil à la vie de la Française du club, Géraldine Mahieu, expatriée en Hongrie depuis deux saisons et qui, de surcroît, multiplie les déplacements à Budapest, 80 km au nord de Dunaujvaros, car la piscine qui accueille habituellement les matches de son club, ainsi que des activités de plongée et de natation, est en travaux.
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Géraldine travaille la finition, en pointe, sous les conseils d'Attila Mihok, le coach. À l'issue de la séance, les filles se rendent en salle de musculation pour des étirements, un œil sur l'écran de télévision qui diffuse Croatie-Hongrie messieurs, histoire de s'inspirer du meilleur niveau mondial. Au son d'une playlist commerciale, l'ambiance est décontractée. L'entraîneur canalise son grain de folie en s'astreignant lui-même, ostensiblement, à quelques exercices de force. Midi passé, une partie du groupe se rend à quelques centaines de mètres de là au Campus, sympathique cantine ouverte au public. Sur le t-shirt de Géraldine, l'inscription « râleuse à la française » annonce la couleur. Mais la capitaine de l'équipe de France, toute sage, ne mettra pas la menace à exécution. La soupe typiquement hongroise engloutie, les filles rentrent se reposer avant l'entraînement du soir, situé à Sarbogard, à une grosse demi-heure de route à l'ouest de Dunaujvaros.
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Comme perdue dans la campagne, dans l'obscurité de l'hiver, la piscine de Sarbogard est investie par les joueuses à 18h. Jeu de passes, toro, et Attila Mihok qui hurle au bord du bassin. « C'est un petit échantillon de ce dont il est capable », nous avertit Géraldine après coup. Une opposition bonnets blancs contre bonnets bleus est organisée. Le coach explique la tactique du lendemain sur un petit tableau blanc parsemé d'aimants. Il met en place des situations en supériorité numérique. Puis termine, après une heure et demie de travail, par une causerie virile, à l'issue de laquelle Géraldine prend également la parole. Pendant ce temps, l'entraîneur en charge du fitness nous confirme à quel point la condition physique des joueuses est un point fort de Dunaujvaros. Le compte à rebours pour le match du lendemain est lancé.
Géraldine Mahieu (à droite) aux côtés de Clémentine Valverde. Photo: DeepBlueMédia
Samedi 16 février, 10h. Tête en l'air, Lara Luka, la jeune Serbe du club, a manqué le rendez-vous du départ vers la piscine du match, située à une bonne heure de route vers le nord. Réparties dans deux minibus, les filles s'en aperçoivent alors qu'elles sont déjà en chemin. L'heure de la rencontre, fixée à midi, est inhabituelle et l'infortunée Lara est restée à Dunaujvaros. Géraldine nous prévient de l'inadvertance et c'est la voiture du reporter qui va amener la joueuse, d'abord affectée puis finalement philosophe, à bon port. À 11h30, Lara ne le sait pas encore mais elle sautera à l'eau quelques minutes plus tard. Devant une centaine de spectateurs, à domicile mais dans leur piscine délocalisée, les filles de Dunaujvaros, qui ont pourtant honoré leur rituel du morceau de chocolat avant le match, courent après le score. Durant le 2e quart-temps, Géraldine ramène les siennes à un but (3-4) mais, dans la foulée, l'écart se creuse. UVSE s'impose inexorablement. « Nous les rencontrons souvent donc nous les connaissons vraiment bien », témoigne la Française après le match, perdu finalement 8-11. « Nous avions prévu un plan contre Rita Keszthelyi (la star de l'équipe adverse), qui finalement n'a pas joué. Notre objectif était d'obtenir beaucoup d'exclusions pour pouvoir jouer en zone plus, et de les faire jouer le plus loin possible de la cage. Nous avons pas mal réussi à les faire bouger, à les éloigner, mais du coup la pointe était trop seule et beaucoup de ballons sont allés en pointe. En attaque, nous avons moins bien shooté que d'habitude. Nous étions trop prévisibles. Nous avons commis beaucoup de fautes, de sorte que nous avons dû remanier l'équipe. C'est pourquoi je suis restée tout le temps dans l'eau. Avoir perdu n'est pas dramatique ; c'est la finale, qu'il faut gagner. » Géraldine a cependant constaté que « nous avons un gros complexe par rapport à elles. Nous ne jouons pas à notre niveau, nous commettons des erreurs que nous ne faisons plus contre d'autres équipes... Elles ne sont pas imbattables ; c'est à nous de vaincre notre peur de gagner contre elles, de ne plus les croire trop fortes. À nous d'être plus offensives. Nous avons 2-3 mois pour régler cela et deux gros matches à gérer. Après, il y a quand même eu de bonnes choses. Mardi (deux jours plus tard), nous avons une séance vidéo pour analyser le match. »
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Touchée au doigt pendant la rencontre, la Française passera par la case hôpital dans la foulée. « Je me suis fait agripper la main en première période », confirme-t-elle en souriant. « Je me suis cassé ce doigt l'année dernière, et il est déjà plus sensible de base. C'était assez violent ce match et ce des deux côtés. L'arbitrage a beaucoup laissé jouer dès le départ. C'est une physionomie de jeu, c'est comme ça, mais du coup c'était vraiment très dur à mon poste parce que ce n'était que de la bagarre, et ce n'est pas intéressant. » De quoi faire naître une frustration. « J'avais vraiment à cœur de gagner aujourd'hui pour marquer les esprits. C'est important de partir en phase finale avec un ascendant, et nous avons perdu cette occasion. Je suis déçue mais je me suis vite focalisée sur mon doigt après le match, je suis passée à autre chose. Même si je suis contente de ce que j'ai fait sur ce match, on espère toujours donner plus. Mais on ne peut pas être partout », sourit-elle. Le soir, une petite attèle au doigt, Géraldine retrouve l'appartement de Dunaujvaros qu'elle loue en compagnie de sa coéquipière Krisztina Garda. « Le club prend en charge la location et les repas de midi », précise-t-elle, ajoutant que son salaire hongrois ne lui permettrait pas de vivre en France. Boomerang, le chat de Kriszti, s'approche. « L'histoire, c'est que je n'aimais pas les chats. Je n'en ai jamais eu, il n'y a pas d'animaux chez moi à part des poissons... j'avais une petite appréhension, et je suis devenue fan. Il est trop mignon ! », s'amuse la grande blonde.
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Le lendemain, « Zsuzsi », ainsi que ses partenaires la surnomment en Hongrie, donne rendez-vous à quelques-unes au café Gourmand pour un brunch. Un endroit, sur la grande artère de la ville, qu'elle apprécie particulièrement. Les filles refont le match. Parlent coiffure et gastronomie. « Zsuzsi adore cuisiner, c'est important dans sa vie », souligne Kriszti Garda. « J'aime beaucoup le fromage », rebondit Géraldine qui, d'ailleurs, a cuisiné le repas de Noël « à la française » pour tout le monde, il y a quelques mois. « Elle aime tout organiser, sinon elle stresse », s'amuse Kriszti. « Elle veut donner son maximum, c'est quelqu'un qui aide beaucoup. Elle veut le meilleur, y compris pour les autres. Si elle ne peut pas aider, elle est déçue. » Logique, donc, de retrouver Géraldine entraînant, à l'occasion, les plus jeunes du club. Ou prenant des cours de hongrois. « Je fais de la couture », ajoute-t-elle, ce que l'on peut confirmer en faisant le tour de l'appartement. « J'appelle ma famille, mes amis. J'aime bien visiter un peu, voir des évènements, aller voir des films... » Et projeter une séance de shopping le dimanche après-midi, aussi. À l'hôtel voisin, alors que les filles s'éloignent, le serveur lâche : « on sera champion, cette année. J'espère ! »
En Hongrie, David Lortholary