Après neuf mois d’attente, la natation tricolore a enfin retrouvé la compétition. Aux championnats de France de Saint-Raphaël (10-13 décembre), nageurs, entraîneurs et encadrements étaient heureux de se retrouver au bord des bassins. Dans l’eau, les états de forme étaient forcément disparates. Certains ont réussi à se préqualifier pour les JO, d’autres manquent encore de repères et de compétitions, et quelques uns ont malgré tout réussi à tirer leur épingle du jeu dans un contexte forcément particulier. État des lieux.
Les premiers de cordées
La situation était inédite. Après une année 2020 grandement perturbée par la pandémie de Covid-19, la natation française a bouleversé ses habitudes. Tout d’abord en organisant un championnat de France en hiver en grand bassin, mais aussi en modifiant les critères de sélection pour les Jeux olympiques. À Saint-Raphaël, quatre nageurs (en plus de David Aubry, déjà préqualifié grâce à sa médaille de bronze décrochée sur le 800 m à Gwangju, ndlr) ont réalisé les temps demandés par la Direction Technique Nationale. Du côté des garçons, seul Florent Manaudou répond à l’appel de décembre. En remportant le 50 m nage libre en 21’’73, quatre ans après son dernier titre de champion de France sur la distance, le sprinter a validé ce premier critère, sans pour autant être pleinement satisfait de sa performance. « Je voulais nager 21’’4 ou 21’’5 ici. Je me fixe peut-être des objectifs élevés mais j’essaie toujours d’être honnête envers moi et envers vous (les journalistes) et ce soir, ça n’a pas fonctionné. Il m’a fallu dix semaines d’entraînement après trois ans d’arrêt pour retrouver ce niveau (il avait nagé 21’’73 en séries à Rome pour sa première compétition). Je vais devoir retourner au boulot et vraiment réaliser un gros cycle d’entrainement. »
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Du côté des filles, Béryl Gastaldello fut la première à avoir satisfait aux critères de sélection, sur 100 m nage libre. À l’issue d’une course relevée et d’une lutte acharnée avec Marie Wattel et Charlotte Bonnet, la plus Américaine des nageuses tricolores s’est adjugée le titre sur la distance reine en 53’’40. Satisfaite de sa performance après six semaines passées dans la bulle de l’ISL, Gastaldello espère bien conserver sa qualification d’ici la date butoir du 21 mars. « Je ne me sens pas sur un siège éjectable parce que je vais garder ma place » a-t-elle confié à l’issue de sa finale.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Et si Marie Wattel était forcément déçue de décrocher sa quatorzième médailles d’argent sur des championnats de France en grand bassin, elle n’a pas lâché et a finalement pris sa revanche sur sa copine Béryl Gastaldello en finale du 100 m papillon. « C’est vrai que j’ai calé ma nage en fonction de Béryl, je l’ai beaucoup regardée et jusqu’aux 70 mètres, je pense qu’elle va s’imposer. Mais je n’ai rien lâché et j’ai réussi à m’imposer. J’étais également surprise du chrono parce que mon virage n’est pas bon et on peut facilement retirer deux ou trois dixièmes. Je suis presque à mon meilleur niveau alors que je suis épuisé physiquement et mentalement. Après en avoir bavé tout au long de l’année, je suis contente de finir 2020 sur une note positive. »
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Avec deux records de France en deux courses, elle aura marqué les championnats de France de Saint-Raphaël de son empreinte. Mélanie Henique s’est imposée sur le 50 m papillon (25’’24) et surtout sur 50 m nage libre (24’’34). En rabotant son meilleur temps de cinq dixièmes sur cette dernière distance, la Marseillaise a réussi le temps de préqualification pour les Jeux olympiques de Tokyo. « J’ai vraiment la sensation d’être au bon endroit au bon moment. On est sur le bon chemin, mais je ne veux pas m’arrêter là. On va continuer à travailler pour aller encore plus vite parce que je suis certaine que j’en suis capable. »
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
En manque de repères
Lorsqu’elle a touché le mur à l’issue de la finale du 200 m nage libre, Charlotte Bonnet a d’abord regardé l’écran géant pour connaître son temps (1’56’’65). Puis, elle a cherché du regard son agent, Sophie Kamoun, qui a commenté les courses sur beIN SPORTS. Elle a vite compris que la préqualification pour Tokyo lui avait glissé entre les doigts pour deux petits centièmes. « C’est frustrant, c’est certain, je voulais vraiment décrocher mon billet ici. Après la déception du 100 m nage libre, j’ai essayé de bien me concentrer sur ce 200 m, mais je pense que le manque de repères et de compétition se fait sentir. Malgré tout, Fabrice (Pellerin, son entraîneur) était satisfait et ce n’est pas toujours le cas. Je retiens donc le positif et j’espère bien récupérer ma place sur 100 m et décrocher mon ticket sur le 200 m dès le mois de janvier. »
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Après un premier titre sur le 200 m 4 nages en ouverture des championnats de France, Fantine Lesaffre a pris le départ de sa course, le 400 m 4 nages. Championne d’Europe en 2018 à Glasgow, l’élève de Franck Esposito a visiblement manqué de jus pour réaliser le temps exigé par la DTN pour se préqualifier pour les JO. Loin de se laisser abattre, la jeune femme sait qu’elle doit encore prendre des repères et travailler dans l’optique des meetings de début 2021. « J’espérais faire le temps, mais je ne me prends pas la tête et je vais retourner au travail. »
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
S’il a réussi à pousser Geoffroy Mathieu dans ses retranchements le premier jour sur 200 m dos, Yohann Ndoye Brouard y a visiblement laissé des plumes et a dû s’incliner face à Mewen Tomac sur le 100 m dos (53’’95 contre 53’’46 pour l’Amiénois). « J’étais particulièrement crispé et je n’ai pas réussi à me détendre. Je n’ai pas été bon et je suis passé à côté. » Alors qu’il avait nagé en 53’’4 à Amiens juste avant les championnats de France, nul doute que Yohann Ndoye Brouard aura à coeur d’évoluer à son meilleur niveau dès le début de l’année 2021.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Champion de France du 100 m nage libre (48’’65) devant Clément Mignon et Julien Berol, Maxime Grousset était forcément heureux de s’imposer même s’il n’a pas satisfait aux critères de sélection. « Je n’arrive pas à valider ce qu’on fait à l’entrainement, avec un peu de pression et d’enjeu ce n’est pas évident, mais j’espère faire mieux la prochaine fois. Je pense qu’on va se remettre au travail, parce que je sens bien que j’ai dû mal à terminer mon 100 m, et attendre le mois de juin pour décrocher cette qualification pour Tokyo. »
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Longuement blessé à l’épaule la saison dernière, Mehdy Metella effectuait son grand retour dans les bassins. S’il a remporté le 100 m papillon devant Léon Marchand, le Guyannais est encore loin de son meilleur niveau. En manque de repères et de sensations, le sprinteur tricolore sait le chemin qu’il lui reste à parcourir pour décrocher son billet pour les Jeux olympiques de Tokyo.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Ils ont tiré leur épingle du jeu
S’ils n’ont pas réalisé le temps de préqualification olympique, Léon Marchand (qui a amélioré son meilleur temps de près de deux secondes sur 200 m papillon), Geoffroy Mathieu (de nouveau à 1’57 sur 200 m dos), Clément Mignon (qui a battu son record personnel sur 50 m nage libre), Théo Bussière (de nouveau sous la minute au 100 m brasse) et Antoine Viquerat (champion de France sur 100 et 200 m brasse) ont tiré leur épingle du jeu à Saint-Raphaël. En dépit du contexte et du manque de repères, ils ont réussi à valider le travail réalisé depuis la reprise de l’entraînement en mai dernier. Nul doute qu’ils tenteront d’être au rendez-vous olympique l’été prochain à Tokyo, en réalisant les critères de sélection lors des championnats de France de Chartres en juin prochain.
Léon Marchand (KMSP/Stéphane Kempinaire)
J. C.
Les qualifiés pour les Euro
À Saint-Raphaël, vingt et un nageurs ont réalisé les minimas pour les championnats d’Europe de Budapest. Une jolie délégation composée d’habitués, tels que Florent Manaudou, Charlotte Bonnet ou encore Mélanie Henique, mais aussi de jeunes nageurs comme Mewen Tomac, Léon Marchand, Antoine Viquerat et Yohann Ndoye Brouard, sans oublier la première sélection en natation course du vice-champion du monde du 10 km, Marc-Antoine Olivier.