Pour sa première participation à une épreuve de nage hivernale, le double champion du monde du 25 km, Axel Reymond, a fait bien mieux qu’une apparition de prestige dans les eaux glacées (4,6° C) du lac aux Dames de Samoëns (Haute-Savoie). Le nageur de Magali Mérino s’est adjugé la nouvelle référence nationale du 1 000 m (11’56’’60), épreuve emblématique de la discipline, en flirtant avec le record du monde de la spécialité (11’55’’40).
Magali, comment Axel s’est-il retrouvé à nager dans les eaux glacées du lac aux Dames ?
Il devait participer à la Santa Fe-Coronda en Argentine, début février, mais comme l’épreuve a été annulée et que le championnat de France de Samoëns se tenait une semaine avant la coupe d’Europe à Eilat, il m’a proposé de disputer le 1 000 m. Je me suis dit que ça n’allait pas bousculer sa préparation et il avait à cœur de vivre cette expérience en eau glacée.
Quel regard portes-tu sur cette nouvelle discipline ?
C’est bien plus technique qu’on ne le pense. La nage en eau froide demande un gros travail de préparation. Ça va se développer très rapidement car les performances vont suivre. Aujourd’hui, ça paraît encore simple et bon enfant, mais je suis convaincue que c’est un sport qui va connaître une croissance rapide.
(FFN/Vincent Plassard)
Quel est l’intérêt sportif pour Axel à ce stade de développement de la discipline ?
Il va en tirer des bénéfices pour l’eau libre, notamment sur le plan mental. La nage hivernale requiert une intense préparation psychologique. Axel est déjà très performant dans ce domaine, en particulier dans sa capacité à aborder ses 25 km, mais je pense qu’il peut encore progresser.
Comment as-tu vécu son 1 000 m de vendredi (28 février). On t’a senti un peu stressée, non ?
Oui, c’était le cas ! Au début, je n’étais pas bien. J’ai eu du mal à le regarder se mettre à l’eau car tu sens qu’il souffre. Et puis, je ne savais pas s’il allait réussir à tenir jusqu’au bout. Or, comme tout athlète de haut niveau, l’échec est à proscrire, surtout pour un champion du monde. Je ne voulais pas qu’il se mette en difficulté et que l’on altère sa dynamique de confiance.
(FFN/Vincent Plassard)
Finalement, il échoue à une petite seconde du record du monde. C’est bien la preuve – une fois encore – de ses qualités exceptionnelles d’adaptation.
Oui, ça s’est très bien passé ! Il a vraiment bien géré son effort, mais il est sorti marqué car il se donne toujours à fond. Axel, de toute façon, ne fait jamais les choses à moitié (sourire)… C’est d’autant plus appréciable qu’on découvrait tous les deux la nage hivernale. Jeudi soir (le 27 février), il a fait un test dans le lac aux Dames pour voir à quoi il serait confronté le lendemain. Le soir même on a fait une liste de tout ce qui n’avait pas fonctionné. On s’est rendu compte qu’on n’était pas assez professionnel et que si on voulait qu’il relève son défi, il fallait vraiment border les choses. Le plus dur, c’est vraiment de recueillir des informations car la discipline est très récente.
D’autant qu’il y a des risques…
Oui, mais la réunion technique du vendredi matin (le 28 février) a permis d’aborder pas mal de sujets et, pour moi en tout cas, d’évacuer un peu de pression. Alors oui, il y a des risques et les conditions de pratique doivent être encadrées, mais si on respecte les règles, il n’y a aucune raison que cela se passe mal. C’est la même chose pour tous les sports extrêmes, il y a une part de risques, mais elle est contrôlée.
(FFN/Vincent Plassard)
Axel n’étant pas qualifié pour les Jeux de Tokyo, quels seront ses objectifs jusqu’à cet été ?
Il veut remporter la coupe du monde d’ultra marathon. Il aimerait aussi récupérer son titre continental du 25 km qu’il avait dû abandonner à Glasgow en 2018 (Euro de Budapest, mai 2020). Pour le 10 km, épreuve qu’il n’a plus disputée dans un grand championnat depuis un moment, on attend de voir. Il reste une place… Quant à l’année prochaine, on repartira sur une préparation « classique » pour un championnat du monde.
Qu’en est-il des Jeux de Paris en 2024 ?
C’est dans nos têtes. Il ne lâchera pas l’affaire…
Le contraire serait étonnant.
Cette année, il n’est pas qualifié aux Jeux de Tokyo parce que la concurrence tricolore est exceptionnelle. Ils étaient quatre avec Marc-Antoine Olivier, David Aubry, Logan Fontaine et Axel, donc, et il n’y avait que deux places. C’est une densité que l’on ne retrouve que dans très peu de pays. Alors oui, c’est un peu frustrant parce que les Jeux, c’est un objectif suprême, mais il n’a pas renoncé. Ni aux Jeux, ni au 25 km d’ailleurs.
(FFN/Vincent Plassard)
N’est-ce pas un peu « contradictoire » de se concentrer sur le 10 et le 25 km, des distances qui nécessitent des qualités de vitesse et d’endurance différentes ?
Ce n’est pas si différent que ça… Peut-être que l’année des Jeux de Paris, il faudra se focaliser plus spécifiquement sur le 10 km, mais d’ici-là, il peut largement performer sur ces deux épreuves. En tout cas, il en a les qualités.
Hier soir (vendredi 28 février), Axel nous parlait d’une possible intégration de la nage hivernale au programme des Jeux d’hiver. Est-ce aussi une des raisons qui l’a mené à Samoëns ?
Il faut bien comprendre qu’Axel rêve des Jeux ! Alors s’il doit décrocher une médaille en participant à une épreuve de nage hivernale, il le fera. C’est vraiment un de ses objectifs de carrière. A Paris, ce serait fabuleux, mais s’il y a d’autres opportunités à saisir, il n’hésitera pas.
Recueilli à Samoëns par Adrien Cadot