C’est avec ses mots à lui, son sens de l’analyse rare et ses expressions d’entraîneur aguerri que Fabrice Pellerin a commenté la victoire de sa protégée. Une victoire attendue depuis des années qui devrait permettre à Charlotte Bonnet de franchir un nouveau cap dans sa carrière.
Charlotte a enfin décroché ce titre tant convoité. Ne fallait-il pas simplement lui laisser le temps de mûrir ?
Comme souvent, lorsqu’on dispose de nageurs qui semblent motivés et qui s’entraînent très dur et que nous avons connu de beaux moments avec une génération précédente, nous sommes souvent un peu pressés de gagner de nouveau. J’attendais aussi de vivre ces moments. Mais avant que d’autres personnes s’impatientent pour elle, c’était la première à vouloir toucher à ce genre d’émotions. Elle en a parfois souffert les saisons précédentes. Aujourd’hui, c’est une forme de concrétisation de ses envies et je suis content pour elle. Ça va lui amener quelque chose en plus, ou peut-être ce poids en moins. Je suis vraiment ravi pour elle.
Que fallait-il mettre en place pour parvenir à ce succès ?
Il y avait pas mal de choses à régler cet après-midi parce qu’elle a réalisé une belle saison et souvent, dans ce genre de cas, il y a toujours l’appréhension de savoir si on va être capable de reproduire de belles prestations lors de la course la plus importante de l’année. Femke Heemskerk avait l’air très en forme au début de cette compétition. Elle a mené sa barque avec précision sur les deux premiers tours du 200 m. Il fallait que Charlotte prenne cette finale à son compte en étant la patronne. C’est ce qu’elle a fait avec beaucoup d’aplomb. Réussir à améliorer son temps dans ce contexte et au moment le plus important de la saison était un véritable challenge. Ça n’a pas souvent été le cas pour Charlotte. C’est une nouveauté qui traduit plein de choses. De la confiance, de l’estime de soi, du travail bien mené dans l’eau et hors de l’eau et une maturité tout simplement. Il y a plein de raisons d’apprécier ce moment.
Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire
Comment as-tu senti l’approche mentale de ce rendez-vous ?
La préparation s’est bien passée et j’espérais voir une Charlotte qui s’occupe d’elle mais qui soit suffisamment à l’aise pour avoir un peu de temps à consacrer aux autres. Je l’ai vue assumer pleinement ce rôle, avec beaucoup de plaisir. Cela témoigne d’une certaine aisance. Elle a fait un beau relais et a su respecter les consignes de mesure et de retenue sur les séries et les demi-finales du 200 m. C’est la première fois qu’elle s’offre le luxe de mettre le moins d’énergie possible dans les deux premiers tours. Elle a su le faire parce qu’elle en avait les capacités et parce qu’elle avait suffisamment confiance en elle, je pense. C’est une concrétisation forte pour elle mais aussi un lot d’apprentissages très important.
Ce titre était attendu depuis un moment. N’est-ce pas une porte qui s’ouvre pour elle aujourd’hui ?
C’est sûr. En même temps, on attend toujours plus d’un athlète. Maintenant qu’elle a ouvert la porte, on va vouloir l’observer dans la pièce suivante. C’est une histoire sans fin, mais ça fait partie du sport. Aujourd’hui, elle nage moins d’1’55 et ça a une vraie valeur chronométrique. Elle a sa première vraie médaille internationale. Elle la voulait et elle le concrétise. Tout ça est éphémère et c’est vite remplacé par d’autres moments. Il y a encore des choses à accomplir et du travail à faire.
D’autant que sa semaine n’est pas finie.
C’est vrai. Le 100 m paraît plus optionnel sur le papier mais en même temps elle a réussi un beau 4x100 et je pense qu’elle va vouloir attaquer les séries demain matin avec la même envie. D’autant qu’elle a l’ambition de construire de belles choses avec le relais 4x200 m et je pense qu’il y a vraiment une carte à jouer.
Recueilli à Glasgow par J. C.