Dans une ambiance bon enfant et populaire, « La terrasse des Jeux », site de festivités situé sur le parvis de la Mairie de Paris, a retenu son souffle sur les coups de 20H30 le 28 juillet au moment où le futur champion olympique, Léon Marchand, prenait place sur son plot de départ. Récit d’une fin de journée en apothéose au cœur de la foule parisienne.
Une jauge pleine comme tous les jours depuis le coup d’envoi des Jeux. Ils étaient 3000 à venir célébrer et soutenir les héros du sport français en ce deuxième jour de compétition. « L’affluence que l’on a, m’impressionne », avoue, emballé, Vincent Le Gal, charge de mission de la Terrasse des Jeux. « Samedi, il a plu toute la journée et on était complet avec une ambiance de “fou“ sur la finale du rugby à 7 et même pendant le match de l’équipe de France de basket masculin. Les gens viennent ici, regardent les compétitions toute la journée, et profitent également des activités sportives et culturelles proposées. »
En cette fin de journée, dans ce lieu populaire, sorte de bal sportif du 14 juillet, où se mélangent passion du sport, concerts, cours de danse, cirque et DJ set, on célèbre le podium d’Amandine Buchard (judo) qui apparait sur l’écran, mais on regarde sa montre avec attention.
« Je suis venu exprès pour la finale de Léon Marchand », souligne d’entrée Geoffrey, fin connaisseur et fan du jeune nageur. « Il représente le renouveau de la natation française, mais aussi l’excellence de la formation à l’Américaine sous l’égide de Bob Bowman. En fait, Léon Marchand me fait penser à Alain Bernard, quand il avait gagné sur 100M à Pékin en 2008, finale que j’avais vu au milieu de la nuit. Et vous savez, ses exploits peuvent aussi augmenter le nombre de licenciés, les jeunes peuvent s’identifier à lui. Il a l’air bien dans sa tête, fait des études, est parti vivre à l’étranger. Il a l’air stable. »
Dans la foule, se croisent des passionnés de tous sports, de ces 2 jeunes femmes aux joues « bleu – blanc – rouge » venues suivre les épreuves de gymnastique, à des Sud-Africains ayant été voir du tennis de table la veille Porte de Versailles mais se souvenant surtout de la victoire de leur compatriote, Cameron van der Burgh sur 100 m brasse aux JO de Londres 2012.
Et puis beaucoup de couples sont là aussi, comme si ces Jeux étaient une occasion en or de passer de jolis moments en amoureux. Sibylle et Jeffrey ont passé leur après-midi à l’Hôtel de Ville, et la jeune femme, qui nage de temps en temps, n’a pas perdu une longueur de la journée.
« Léon Marchand, je l’ai regardé lors dès les séries le matin. Nager 4 nages comme il le fait est impressionnant, surtout la distance qu’il met à ses adversaires. »
Jean-Baptiste Gurliat / Ville de Paris
A quelques mètres, Célia et Folco, excités également par la finale à venir, ont une déclaration à faire.
« On l’aime bien Marchand. Il est annoncé depuis le début des JO, il est attendu, hyper jeune, et ça va bien avec ces nouveaux athlètes français qui renvoient une belle image. Et il me fait penser à Phelps, en sachant qu’il a déjà fait tomber son record du monde sur 400M 4 nages », conclut le jeune homme, qui la veille, s’est formé au French Cancan avec des danseuses du Crazy Horse sur le parvis. On y danse, on y rit, mais l’heure fatidique approche. « Allez les Bleus, allez Léon », commencent à descendre des tribunes dans une ambiance de kop. Il est 20H15 et l’un des 2 écrans s’éteint brusquement, avant que l’on soit rassuré par le speaker des lieux : « ne vous inquiétez pas, vous allez la suivre, la finale de Léon Marchand ». Rassurant mais un peu présomptueux, on le verra plus tard.
L’image est revenue mais seul le JT de 20h de France 2 est projeté. « Mettez nous France 3, France 3 ! » À 20H25, une marée toujours plus nombreuse, envahit le parvis, et l’excitation de monter encore d’un cran.
« Mettez la natation », hurlent-ils alors que des Pauline Ferrand-Prévot se font entendre, la cycliste tricolore apparaissant en grand à l’écran. « Allez Pauline, vive Pauline ! ».
« La natation, ouh, ouuuhhh. » Il est 20H30 et les milliers de personnes présentes commencent à taper des pieds sur le sol. « Lé-on, Lé-on, Lé-on, Lé-on. » Puis il apparait enfin, le nouveau roi de la natation française ! « Oui ! »
Dans une ferveur incroyable, des drapeaux français s’agitent. « Léon, Léon. » Un Américain, supporter de Carson Foster, tente de se faire entendre. Peine perdue.
20H33, et le départ est donné. Marchand s’élance dans une ambiance de stade de football. « Il est devant », puis l’image disparait de nouveau. ECRAN NOIR ! « Non, mais ce n’est pas possible. » Tel un envahissement de stade, les gens se lèvent et en courant, partent vers le 2ème écran géant, qui, lui, n’a pas sauté.
« Allez, allez. Il est tout seul Léon. » Son avance sur ses adversaires crée un engouement démesuré. Un homme a le poing serré, comme s’il s’agissait de sa propre course, et à chaque touche, les hurlements de redoubler. « Le record Léon, le record. » 4’02’95, la sirène retentit telle l’annonce d’un feu d’artifice : record olympique de Phelps battu et la joie simple d’un peuple parisien si fier et communiant, après avoir été à ce point fracturé politiquement pendant des semaines.
Jean-Baptiste Gurliat / Ville de Paris
« On est les champions ! Qui ne saute n’est pas français, ais ! »
Venue assister à la finale, Mélanie en a pris plein les yeux.
« L’écran noir, c’était incroyable (rires), et on a couru comme tout le monde. Son 4 nages, le papillon, le crawl, que dire ? Moi, j’ai déjà du mal à faire 50 m. On ne se rend pas compte de son exploit, de l’effort. C’est chouette, il mérite d’être applaudi, et on espère le voir au Troca (au Parc des Champions du Trocadéro où sont célébrés tous les jours les médaillés français de la veille). »
Et alors que l’ambiance redescend petit à petit, se dresse un maillot Mbappé, comme si le football devait toujours se rappeler à nous, même dans cette ode à la fête omnisports que représentent les JO.. Yohan est fan du numéro 10 des Bleus, mais, en néophyte, a apprécié le récital proposé par le nageur de Bowman et Castel.
« Il a mis une longueur à tout le monde dans une ambiance incroyable. Il est jeune, et pourtant on a l’impression d’avoir à faire à un nageur expérimenté, à ce point en confiance face à ses adversaires. » Et la course de Marchand l’a-t-elle emporté sur son amour de l’attaquant du Real ? Marchand ou Mbappé ? « Ah, à mon niveau, Kylian est au-dessus. Je vais vous dire la vérité : Marchand, je ne le connaissais pas avant d’arriver ici, mais l’avoir découvert, c’est quelque chose, et cela me donne envie de revenir le voir cette semaine. »
La jauge s’est quelque peu réduite, certains quittent la Terrasse des Jeux, passent devant l’écran, maudit, qui s’éteint de nouveau, au mauvais moment, lors de la Marseillaise chantée par les Bleues du foot (France – Canada), mais peu importe, ils pourront tous dire : ce jour-là, ce 28 juillet, je m’en souviens, j’y étais et j’ai vu Léon gagner.
Antoine GRYNBAUM